vendredi 27 novembre 2009

De la fonction critique de la philosophie (un de ...)


Historiquement, la philosophie fut rendue publique, accessible au profane, par la personne de Socrate dans l’Athènes de Périclès. Il fut condamné à mort pour corruption de la jeunesse : par sa fameuse dialectique il minait les croyances et le prestige de ses concitoyens entraînant une foule de jeunes gens de bonne famille et enthousiastes dans sa foulée. Les opinions bancales des citoyens constituaient jusqu’alors le ciment de la société athénienne. Si ça marche pourquoi se poser tant de question ? L’initiation à la philosophie comporte, et doit comporter, une importante phase négative. On amène le futur initié à remettre en question ses opinions et les idées reçues dans lesquelles il a baigné jusqu’alors.

La figure charismatique et paternelle de Socrate donnait un impétus formidable à ces jeunes gens intelligents et voulant bien faire. Par désir d'émulation et par imitation ses disciples se rendirent maître de la dialectique. La cohésion des philosophes d'Athènes était assurée par un ennemi commun : les Sophistes. Ces marchands de savoir vendaient leur enseignement : art oratoire, logique, mathématique et stratégie militaire. Bref, les Sophistes donnaient des leçons qui valaient leur pesant d'or pour permettre aux jeunes gens bien nés de faire carrière. Pas de complications, pas de mystères ; un enseignement bien ficelé visant l'utilité immédiate.

L'animosité envers les Sophistes aurait même conduit Aristote, le Philosophe, à rédiger une collection de livres regroupés sous le titre d'Organon et ayant pour objet les règles du bon raisonnement : la logique. De plus, il baptisa les mauvais raisonnements en hommage à ses ennemis : les sophismes. Il faut toutefois faire attention et ne pas prêter une intention aussi peu noble à ce grand philosophe. Ce qu'il faut comprendre c'est qu'un corpus de mauvais raisonnements fut établi et définit comme des raisonnements paraissant valides tout en ne l'étant pas. Bref, des tactiques déloyales pour emporter le débat. Ce corpus traversa les siècles pour échouer au XXe siècle et poser un problème énorme : la définition traditionnelle du concept de sophisme n'est pas acceptable.

En plus de ce problème de définition, un autre problème se pose : la philosophie semble avoir renié ses origines. En effet, après Aristote, et surtout après le Moyen Age chrétien, la philosophie a délaissé la forme du débat contradictoire : la dialectique. Cette forme de discours rationnel, un combat rationnel pour soutenir ou réfuter une thèse, a cédé la place à un discours monolectique. C'est-à-dire un monologue où le philosophe démontre ses thèses, élabore un système philosophique et, finalement, agit comme le seul juge de la vérité de ses assertions.

De façon analogue, les systèmes logiques se sont multipliés par les avancées de la logique formelle au XIXe siècle. À l'image de la pensée philosophique de rigueur à l'époque, la logique s'est présentée d'abord sous la forme démonstrative. Elle se déploie selon les règles de l'inférence valide. Sa présentation est diverse : d'abord sous forme axiomatique, ensuite sous forme de déduction naturelle sans axiome. Puis on vit apparaître les logiques polyvalentes ainsi que les logiques basées sur des modèles théoriques.

Tous ces différents systèmes logiques partagent le même leitmotiv : exprimer et assurer la validité des inférences faites dans leur langage et par rapport à leur objet. Or, pourquoi, malgré les avancées assurées par l'appareil technique de la logique moderne, ne s'est-elle pas intéressé aux règles régissant les discussions critiques ? pourquoi ne s'est-on pas intéressé à ce qui est à l'origine même de la philosophie : le dialogue critique et rationnel en vue de confirmer ou réfuter l'opinion de son adversaire ?

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